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Abolissons les exemptions de taxes aux églsies, mosquées, synagogues et autres lieux de culte. LAÏCITÉ
Qui est vraiment la Marie construite?

La vie de Marie ne manque pas elle aussi de nager dans le merveilleux : l’enfant naît avant terme, au septième mois, ce qui est le signe d’une intervention divine. Dieu étant numérologue en chef, il sait que sept est le chiffre de la perfection. Isaac, déjà, était né sous le même signe. L’enfant marche à six mois ; et elle fait… sept pas. À un an, elle est présentée aux Grands Prêtres d’Israël qui la bénissent. À trois ans, elle entre dans le Temple et y demeure comme une colombe nous dit le texte postérité équilibrée. Qu’une civilisation se construise à partir des racines d’un tel arbre généalogique augure un roman historique inouï. La vie de Marie ne manque pas elle aussi de nager dans le merveilleux : l’enfant naît avant terme, au septième mois, ce qui est le signe d’une intervention divine.
Dieu étant numérologue en chef, il sait que sept est le chiffre de la perfection. Isaac, déjà, était né sous le même signe. L’enfant marche à six mois ; et elle fait… sept pas. À un an, elle est présentée aux Grands Prêtres d’Israël qui la bénissent. À trois ans, elle entre dans le Temple et y demeure comme une colombe nous dit le texte – la colombe annonce la fin du Déluge, donc la fin de la colère de Dieu, elle est sur la tête de Jésus lors de son baptême. Par ailleurs, l’anagramme numérique du mot colombe en grec donne la même somme que l’alpha et l’oméga. Marie « recevait de la nourriture de la main d’un ange ». Or on sait que l’ange ne consomme pas de nourriture terrestre, mais des nourritures immatérielles, donc symboliques. Avec ce genre d’aliment ontologique, on ne craint que l’indigestion de symboles. À douze ans, elle a ses règles. Impure selon la loi juive du Lévitique, elle doit quitter le Temple.
Un ange dit au Grand Prêtre qu’il doit convoquer les veufs du Temple. Chacun doit apporter une baguette. Dieu donnera son signe avec ces baguettes qui se trouvent déjà dans l’Ancien Testament – Nombres (17, 16-28) : celui dont le bâton bourgeonne (que les freudiens commentent…) est l’élu de Dieu. Pas de bourgeon pour Joseph dont le petit bâton sec était resté dans un coin (que les freudiens continuent…) – rappelons qu’il était veuf. Mais c’est… une colombe qui sort de son petit bout de bois (que les freudiens, etc.) et se pose sur sa tête. Joseph est vieux, veuf, il a des enfants d’un premier mariage ; Jésus aura donc des frères, des demi-frères. Des sœurs aussi, dit-on. Marie est jeune et vierge. Le charpentier refuse la garde de cette enfant, il craint le ridicule et le qu’en-dira-t-on. Le prêtre l’oblige à la prendre chez lui : Marie a douze ans. Il la garde sous son toit, ne la touche pas, respecte sa virginité et repart sur ses chantiers – Joseph était plus un entrepreneur en charpente qu’un petit artisan modeste. Il est parfois absent trois mois sur des chantiers lointains. Pendant ce temps, avec 82 autres jeunes filles vierges, Marie tisse le voile du Temple qui sépare le sanctuaire du Saint des Saints, elle appartient à la tribu de David. Donc elle est d’un sang noble et relève d’un grand lignage.
On répartit les tâches ; sept jeunes filles tisseront chacune un matériau : l’or, l’amiante, le lin, la soie, le bleu, l’écarlate et la pourpre. À Marie revient évidemment le tissage de la pourpre, signe du pouvoir et de l’empire. Codage toujours. Un jour qu’elle va chercher de l’eau à la source, métaphore et allégorie une fois de plus, un ange lui apparaît et lui annonce son destin. Quelque temps plus tard, il lui redit : « Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce devant le Maître de toutes choses. Tu concevras de sa Parole » (11, 2). À qui sait entendre cette phrase angélique, concevoir de la Parole de Dieu, c’est dire que Jésus n’est pas un corps, mais un concept, un Logos, un Verbe, une Parole. C’est l’Évangile selon Jean qui dira combien cette piste est la bonne : Jésus n’est pas un corps de chair, mais un corpus de mots. Marie interroge l’ange sur les modalités de cette conception : concevra-t-elle comme les autres femmes, avec un père qui soit un géniteur concret, terrestre ? L’ange écarte cette idée triviale. Pas de corps pour générer un anticorps : « La puissance de Dieu le couvrira de son ombre » (12, 3), lui dit-il. Elle sera donc couverte, certes, mais par une ombre ; pas n’importe quelle ombre, bien sûr, celle de Dieu, mais par une ombre tout de même.
L’ange lui dit que son enfant se nommera Jésus. Rappelons que l’étymologie enseigne qu’elle donnera vie à celui qui sauve. Cette ombre de Dieu est une lumière… Du moins : une ombre lumineuse. Luc explique en effet qu’« une nuée lumineuse couvrait la grotte de son ombre » (1, 35). Marie a seize ans quand elle tombe enceinte. Six mois après son départ, Joseph revient et retrouve sa femme grosse. Il se frappe le visage, se jette à terre, pleure et demande qui est le père ! « Qui m’a ravi la vierge et qui l’a souillée » (13, 1). Question légitime… Marie répond qu’elle ne l’a pas trompé : « Je suis pure, moi, et je ne connais point d’homme. » Puis : « Je ne sais d’où il est venu en moi » (13, 3). Silence de Joseph qui réfléchit à sa réaction : se taire, c’est trahir la loi d’Israël, parler, c’est prendre le risque de n’être pas cru et de sacrifier ce qui pourrait être le Fils de Dieu. Il envisage de lui demander de quitter discrètement sa maison. L’ange Gabriel l’en dissuade ; il y consent. Le Grand Prêtre accuse Joseph d’avoir trahi. Marie est amenée au tribunal du Temple. Elle pleure et réitère : elle est pure et n’a connu aucun homme. « Tu as consommé furtivement ton mariage » (16, 1), affirme le Grand Prêtre. Joseph pleure. Il répond au prêtre cette phrase magnifique : « Envoie tes serviteurs, et tu trouveras la vierge enceinte » (15, 2).
Une vierge enceinte, voilà un oxymore appelé à faire de terribles ravages quand l’Église proposera ce modèle existentiel aux femmes de l’Occident pendant plus d’un millénaire. Il faudra toute la rouerie sophistique des Pères de l’Église pour expliquer avec force circonlocutions qu’on peut être chaste en couchant – il suffira de ne pas consentir au plaisir et de faire de nécessité sexuelle vertu uxorale ! Les prêtres soumettent le couple à une ordalie : le père qui n’est pas le géniteur et la mère qui n’a pas couché boivent l’eau d’amertume offerte par l’officiant : si, après avoir bu et fait plusieurs fois le tour de l’autel, la femme est coupable d’adultère, son ventre enfle et son sein dépérit. Rien ne se manifeste. Ils partent ensuite tous deux au désert et reviennent sains et saufs. Preuve qu’ils ont dit vrai ! Le couple rentre à la maison et bénit Dieu. La grossesse peut aller à son terme : Marie est enceinte de Dieu, elle reste donc bien vierge et Joseph est lui aussi respectable, car il n’a pas couché avec sa femme bien qu’elle soit enceinte.
L’heure venue, Joseph selle un âne et y juche Marie. Ils cherchent une grotte pour accoucher. L’âne est une citation de l’Ancien Testament, en l’occurrence de Zacharie : « Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne » (9, 9), en même temps qu’une annonce faite dans le Nouveau Testament de la future entrée de Jésus dans Jérusalem à dos de mulet – par exemple dans l’Évangile selon Matthieu (11, 29). Le couple va donc vers son destin. Juste avant l’accouchement, Jacques signale un prodige cosmique : la voûte du ciel est immobile, Joseph se promène et ne se promène pas, l’air est figé d’effroi, les oiseaux sont immobiles dans le ciel, des ouvriers juste à côté mangent, mais ne mangent pas, les moutons avancent, mais restent sur place, le berger lève la main pour les frapper, mais sa main reste en l’air, les chevreaux ont le museau dans la rivière, mais ne boivent pas – puis, soudain, le temps suspendu reprend son cours : tout va, tout vit, tout bouge à nouveau. La voûte céleste est en mouvement, les oiseaux volent, les ouvriers mangent, les moutons avancent, le berger n’a donc plus aucune raison de les frapper, les agneaux boivent, Jésus peut naître. « Une nuée lumineuse couvrait la grotte » (19, 2). C’est la fameuse ombre de Dieu…
La sage-femme juive dit : « Le salut est né pour Israël » (19, 2). Le judéo-christianisme est en train de naître en même temps que Jésus. Puis ceci : « Et aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière apparut dans la grotte, au point que les yeux ne pouvaient pas la supporter. Et, peu à peu, cette lumière se retirait jusqu’à ce qu’apparût un nouveau-né ; et il vint prendre le sein de sa mère Marie » (19, 2). Dans l’Exode, on parle de « nuée sombre » (19, 16). On s’y perd entre les ombres lumineuses et les nuées sombres ! Toujours est-il que Jésus est né et qu’il y eut de la lumière, beaucoup de lumière – ce qui confirme mon hypothèse proposée dans Cosmos d’un Jésus comme nom pris dans l’histoire par l’ancestral culte païen de la lumière. L’incarnation est manifeste dès le premier souffle de Jésus : Jésus, qui pourrait tout aussi bien se nourrir comme maman des nourritures spirituelles de l’ange, tète le sein de sa mère, comme tous les nourrissons de la planète depuis que le monde est monde. La sage-femme qui sort de la grotte et rencontre Salomé lui dit : « Une vierge a enfanté, ce que pourtant sa nature ne permet pas. » Salomé répond : « Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si je n’y mets pas mon doigt et n’examine sa nature, je ne croirai nullement qu’une vierge ait enfanté » (19, 3). Salomé y met son doigt : « Et voici que ma main, dévorée par le feu, se retranche de moi », preuve ontologique, à défaut d’être gynécologique, que Marie est bien vierge et mère. Salomé confirme : il est bien né pour être roi d’Israël.
Onfray, Michel. Décadence
Chacun connaît les pyramides égyptiennes, les temples grecs, le forum romain et convient que ces traces de civilisations mortes prouvent… que les civilisations meurent – donc qu’elles sont mortelles ! Notre civilisation judéo-chrétienne vieille de deux mille ans n’échappe pas à cette loi.
Du concept de Jésus, annoncé dans l’Ancien Testament et progressivement nourri d’images par des siècles d’art chrétien, à Ben Laden qui déclare la guerre à mort à notre Occident épuisé, c’est la fresque épique de notre civilisation que je propose ici.
On y trouve : des moines fous du désert, des empereurs chrétiens sanguinaires, des musulmans construisant leur « paradis à l’ombre des épées », de grands inquisiteurs, des sorcières chevauchant des balais, des procès d’animaux, des Indiens à plumes avec Montaigne dans les rues de Bordeaux, la résurrection de Lucrèce, un curé athée qui annonce la mort de Dieu, une révolution jacobine qui tue deux rois, des dictatures de gauche puis de droite, des camps de la mort bruns et rouges, un artiste qui vend ses excréments, un écrivain condamné à mort pour avoir écrit un roman, deux jeunes garçons qui se réclament de l’islam et égorgent un prêtre en plein office – sans parler de mille autres choses…