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Abolissons les exemptions de taxes aux églsies, mosquées, synagogues et autres lieux de culte. LAÏCITÉ
L'Enfant-roi Jésus, un sale gamin.
Le premier enfant-roi…
Il existe un texte intitulé Histoire de l’enfance de Jésus qui rapporte les faits et gestes d’un sale gamin entre cinq et douze ans.

Le storytelling (en français l'accroche narrative ou la mise en récit) est une méthode de communication fondée sur une structure narrative du discours qui s'apparente à celle des contes, des récits. C'est exactement le style littéraire adopté par les auteurs-compositeurs de la Bible.
Son emploi notamment en communication politique est controversé du fait de l'usage parfois discutable qu'en font les conseillers en communication dits spin doctors.
L’enfance de Jésus, outre l’épisode de la leçon qu’il donne aux prêtres alors qu’il a douze ans et que rapporte le seul Luc (2, 41-50), nous est inconnue : entre la fuite en Égypte, âgée de quelques jours, et les premiers moments de son magistère vers trente ans… rien. Trois décennies sans traces. Rien sur son enfance, rien sur son adolescence, rien sur ses études, rien sur sa formation, rien sur d’éventuels copains de rue. Rien non plus sur ses jeux avec ses frères Jacques le Juste, Joseph Barsabas, Jude Apôtre et Simon le zélote – Paul entretient de Jacques, frère de Jésus, dans son Épître aux Galates (15, 19) et de ses autres frères dans sa Première Épître aux Corinthiens (9, 4-5).
Or il existe un texte intitulé Histoire de l’enfance de Jésus qui rapporte les faits et gestes d’un sale gamin entre cinq et douze ans. Ce court texte est un florilège des bêtises et sottises de ce qu’on nommerait aujourd’hui un enfant-roi… Joseph et Marie semblent en effet bien souvent dépassés par leur progéniture. Si Jésus fut le fruit de l’Esprit-Saint, ce texte montre qu’il pouvait aussi être humain, très humain, et pour tout dire, tête à claques.
C’est probablement la raison pour laquelle ce petit bijou littéraire n’a pas été retenu par Augustin dans le corpus néotestamentaire et qu’il fait désormais partie des écrits apocryphes.
Le jour du sabbat, toute activité est proscrite par la loi juive. Or, ce petit Juif de cinq ans fabrique douze petits oiseaux avec de l’argile. La symbolique est lourde : de la même manière que Dieu prit un jour de l’argile pour fabriquer le premier homme, Jésus répète le geste, mais pour douze oiseaux, autrement dit : douze apôtres… Joseph le réprimande pour n’avoir pas respecté le sabbat ; réaction du fils qui se moque bien de son père : il claque dans ses mains et les volatiles partent dans le ciel. Autrement dit : rien ne pourra empêcher Jésus de faire ce qu’il doit faire – violer le sabbat des Juifs et créer une escouade d’apôtres qui s’envoleront partout sur la planète porter la bonne parole, sa bonne parole. C’est la naissance du judéo-christianisme comme élément séparé du judaïsme qui se manifeste métaphoriquement dans cet épisode.
Pour obtenir l’eau qu’il mélange à la terre afin de modeler ses oiseaux, Jésus a fait un petit barrage dans le gué d’un ruisseau. Le fils d’un scribe qui partageait ses jeux détruit sans malice cette flaque d’eau en s’amusant avec une branche de saule. Jésus le maudit et dit à son père qui était là, avec Joseph : « Que ton rejeton soit sans racine et que ton fruit devienne aride comme une branche arrachée par le vent » (3, 1). Aussitôt dit, aussitôt fait : l’enfant se dessèche sur place. On ne plaisante pas avec l’Enfant Jésus !
Alors qu’il marche avec son père, un enfant heurte Jésus à l’épaule par inadvertance. Mécontent, Jésus dit : « Tu ne continueras pas ton chemin » (4, 1) et l’enfant tombe raide mort. Les parents du garçon foudroyé par la volonté de Jésus se plaignent à son père qui n’en peut, mais. Joseph demande à Jésus pourquoi il se comporte ainsi. L’enfant répond qu’on n’a pas à s’opposer à sa volonté, puis il transforme en aveugles tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Joseph se fâche et lui tire l’oreille ; Jésus répond à son père qu’il n’a pas été sage, lui, son propre père…
Zachée qui passe par là entend Jésus parler ainsi à son père. Il se propose de l’éduquer et de lui apprendre à se comporter correctement avec autrui, à aimer ses camarades, à aider les personnes âgées (ce qui veut dire qu’il ne les aidait pas, ce dont aucune histoire ne témoigne…), à devenir l’ami des enfants, à les instruire à son tour. Jésus prend les choses de haut et dit à Zachée : « Avant que tu sois né, moi, j’étais déjà là » (5, 2a). Puis il se propose d’enseigner celui qui voulait l’enseigner. Autour de lui on s’esclaffe ; il répond : « J’ai joué avec vous, car vous vous émerveillez de peu de chose et vous êtes de peu de science et de peu d’intelligence » (6, 2d).
Plus déterminé que jamais, Zachée veut éduquer ce gamin insolent et prétentieux, agressif et suffisant, impertinent et malappris. Il commence avec gentillesse et le conduit à l’école. Jésus se tait. L’instituteur récite l’alphabet et demande à son élève de répéter la première lettre ; refus de Jésus. Zachée se fâche et le frappe sur la tête. Jésus dit : « Si on frappe une enclume, c’est ce qui la frappe qui reçoit le coup le plus dur. Je peux te dire que tu parles comme un airain qui retentit et comme une cloche qui résonne, qui ne peut pas parler, et n’a ni science ni sagesse » (6, 2f). Il récite alors l’alphabet dans l’ordre. Puis il ajoute : « Ceux qui ne connaissent pas alpha, comment enseigneront-ils bêta ? Ô hypocrites, commencez vous-mêmes par enseigner ce qu’est alpha et ensuite nous vous croirons en ce qui concerne bêta » (6, 3). Jésus d’infliger ensuite une leçon au maître sur la forme et le nom de la première lettre, pourquoi elle a de nombreux triangles, pourquoi elle est allongée, inclinée, penchée vers le bas, tordue, droite. Zacharie renonce et avoue qu’il a affaire à un être d’exception. « Malheureux que je suis, moi qui ai pensé trouver un disciple, alors que j’ai trouvé un maître ! » (7, 2).
Devant pareille raclée, « Jésus rit » (8, 1), dit le texte : on ne trouvera nulle part dans les 27 textes retenus pour le corpus définitif du Nouveau Testament une seule occurrence d’un seul rire de Jésus. Pas question de donner une forme trop humaine à ce personnage conceptuel. Un concept ne rit pas. Magnanime, puisqu’après cette leçon d’humiliation du maître, tout le monde se rallie à sa nature exceptionnelle, à son caractère hors norme, Jésus abolit ses malédictions : il décide que ceux qu’il a rendus aveugles doivent recouvrer la vue. Ils recouvrent alors la vue.
Le concept Jésus est performatif. Mais la magnanimité n’a qu’un temps ; elle se trouve en effet soumise à l’occasion. Car un jour qu’il joue sur un toit avec des enfants, l’un d’entre eux tombe et se tue. Tous les autres s’enfuient. Les parents du petit mort l’accablent : Jésus a poussé l’enfant. Pas question de se laisser faire. Jésus pose la question au cadavre : « Zénon, est-ce que c’est moi qui t’ai fait tomber ? » (9, 3) : le petit défunt se réveille, se lève aussitôt et répond : « Non, mon Seigneur. » Stupéfaits, les parents glorifient Dieu. Jésus retourne à ses jeux d’enfant de cinq ans.
Deux ans plus tard, à sept ans donc, Jésus va chercher de l’eau à la source. La cruche se casse. Pas de problème : il étend son manteau sur le sol, le remplit d’eau et le rapporte à sa mère qui s’étonne de ce petit prodige d’un tissu qui ne laisse pas passer le liquide.
Elle s’étonne, mais ne dit rien à personne. Les pouvoirs thaumaturgiques permettent donc à Jésus : de désobéir à son père, de se venger d’un copain de jeu dont il a décidé qu’il était méchant, d’humilier un instituteur, de tuer un enfant qui le bouscule dans la rue, d’en ressusciter un autre pour se disculper de l’avoir tué, mais aussi, plus futile, de pallier le désagrément d’une cruche cassée.
À huit ans, son père lui apprend les rudiments de son métier de charpentier. Il ne néglige pas non plus sa formation intellectuelle. Il le conduit donc à nouveau chez un instituteur. Ce dernier, comme le précédent, lui demande d’épeler alpha, puis oméga – autrement dit, métaphoriquement, de nommer le début et la fin de toute chose. Jésus recommence et questionne le maître en lui demandant de dire d’abord ce qu’est alpha. Après seulement il dira bêta. L’adulte s’énerve, le frappe. Fidèle à une méthode qui a fait ses preuves, Jésus lui ôte la vie : il rentre chez ses parents comme si de rien n’était. Joseph demande à Marie de garder leur rejeton à la maison « afin que ceux qui le frappaient ne meurent pas » (14, 3). Ambiance…
Un troisième maître se mit en tête de dresser le garçon. Dès son entrée dans l’école, Jésus « ne lut pas ce qui était écrit, mais ouvrant la bouche il parla dans l’esprit, en sorte que le maître, frappé d’épouvante, tomba à terre et l’implora » (15, 2).
La vie avec Jésus enfant n’est pas de tout repos. Apprenant la chose, et, averti par le passé, redoutant le pire, Joseph arrive en craignant une nouvelle victime. L’homicide d’instituteur n’ayant pas eu lieu cette fois-ci, Joseph prend Jésus par la main et le ramène à la maison.
Une autre fois, Jésus va ramasser du bois dans la forêt avec son frère Jacques. Une vipère lui mord la main ; il perd connaissance ; Jésus étend la main, souffle là où le serpent a planté ses crochets et guérit Jacques. Puis ce fut le serpent qui mourut. Nul besoin d’aller chercher loin la signification de cette allégorie : le serpent qui, depuis la Genèse, signifie le mal, est mis à mort par Jésus qui, lui, fait le bien et tue le mal. C’est une réponse au péché originel dont on sait qu’elle s’accomplira par l’adhésion à sa prédication et sa crucifixion. On pourrait également comprendre ainsi les morts infligées par Jésus quand on s’oppose à sa volonté, quand on se met en travers de sa route, quand on imagine qu’on peut instruire celui dont la vocation est d’instruire, quand on l’accuse de choses qu’il n’a pas faites, quand un accident lui complique la vie, quand le mal veut faire la loi : comme des histoires qui enseignent qu’on ne s’oppose pas à ce que cet enfant doit devenir, qu’on ne saurait contrarier sa volonté qui est volonté de Dieu, que dire non à l’enfant qu’il est, c’est dire non au Messie qu’il sera.
À douze ans, on connaît cette histoire, il donne des leçons aux docteurs du Temple à Jérusalem. Cet épisode conclut l’Histoire de l’enfance de Jésus, il se retrouve dans le Nouveau Testament. Mais hormis ce moment, les Évangiles canoniques ignorent l’enfance de Jésus. Probablement parce que, dans les textes qui subsistent sur ce sujet, l’allégorie est plus complexe à décoder, le symbole plus difficile à comprendre. Dans ce texte, on peut imaginer qu’un Jésus qui distribue la mort selon son caprice est un méchant et que tout cela ne coïncide pas avec l’image du Jésus bon et doux qui triomphe dans les textes choisis pour constituer le corpus institutionnel.
Le corps de Jésus enfant obéit aux mêmes lois que le corps de Jésus adulte : il ne mange pas, ne boit pas, ne dort pas, ne rêve pas, ne pâtit pas ; il n’a aucun désir, on ne lui connaît aucune passion ; il n’est pas affectueux, il n’est pas aimant avec son père ; il ne lui obéit pas, il lui désobéit même ; il n’a aucune relation avec les filles et la seule femme de son entourage, c’est sa mère.
Ce que dit le texte écarté du Nouveau Testament confirme que Jésus, même enfant, est un personnage conceptuel cristallisant lui aussi les informations éparpillées dans l’Ancien Testament à propos du Messie annoncé par les textes juifs.
Onfray, Michel. Décadence


Chacun connaît les pyramides égyptiennes, les temples grecs, le forum romain et convient que ces traces de civilisations mortes prouvent… que les civilisations meurent – donc qu’elles sont mortelles ! Notre civilisation judéo-chrétienne vieille de deux mille ans n’échappe pas à cette loi.
Du concept de Jésus, annoncé dans l’Ancien Testament et progressivement nourri d’images par des siècles d’art chrétien, à Ben Laden qui déclare la guerre à mort à notre Occident épuisé, c’est la fresque épique de notre civilisation que je propose ici.
On y trouve : des moines fous du désert, des empereurs chrétiens sanguinaires, des musulmans construisant leur « paradis à l’ombre des épées », de grands inquisiteurs, des sorcières chevauchant des balais, des procès d’animaux, des Indiens à plumes avec Montaigne dans les rues de Bordeaux, la résurrection de Lucrèce, un curé athée qui annonce la mort de Dieu, une révolution jacobine qui tue deux rois, des dictatures de gauche puis de droite, des camps de la mort bruns et rouges, un artiste qui vend ses excréments, un écrivain condamné à mort pour avoir écrit un roman, deux jeunes garçons qui se réclament de l’islam et égorgent un prêtre en plein office – sans parler de mille autres choses…